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Mo me demande de vous parler de ma grand mère.
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Alors comme je ne sais pas lui refuser quoi que ce soit…
Ma grand mère est née à Thorame Haute.. près du col d’Allos …
Ses parents parisiens avaient fui Paris.. va savoir..
Sûrement pas des riches car son frère, mon grand oncle, dès ses 7 ans gardait des chèvres à Carqueiranne..
et l’autre ..mais bon…
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Elle est née en 1889 ..comme la tour Eiffel..
Mais elle .. je l’ai toujours vue petite..râblée .. faut le dire : ras du sol..
Sans doute a t elle été jeune et mince..
Mais moi.. je l’ai toujours vu avec ses sabots..
son tablier à carreaux.. plutôt gris.. et son chignon..
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A 40 ans pour je ne sais quelle raison elle avait perdu ses dents
et mon grand père, près de ses sous ,
ne lui avait jamais accordé le moindre crédit pour investir dans un appareil….
Elle a donc vécu sans dents.. mangeant de tout..
sauf les radis qu’elle était obligée de découper préalablement en rondelles …
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Sa vie ne fut pas simple.. dure .. âpre..
Elle était de la montagne.. robuste.. dure.. travailleuse..
Toujours dans son jardin.. ses mains étaient petites mais fortes..
Elle était capable de travailler au sol.. juste en se pliant..
Elle éclaircissait.. binait.. sarclait..
avec des outils dont les manches usés,
rafistolés par mon grand père à coup de tubes en tôle
semblaient directement sortis du concours Lépine..
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Elle avait cette faculté d’insouciance.. rien ne semblait l’affecter..
elle vivait son quotidien.. travaillant dans le jardin.. ( c’est de la bonne fatigue disait elle)..
le reste ma foi.. elle s’en fichait.. elle en donnait l’impression..
Eh oui..
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Elle me fascinait quand il s’agissait de dépiauter un lapin ou saigner une poule..
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Peu tendre, elle ne marqua jamais la moindre affection..
le moindre sentiment.. à mon endroit..
à mon envers si.. c’était la menace du pied au derrière..
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Ce qui fit que lorsqu’elle se décida à quitter notre monde,
je n’éprouvai pas le moindre sentiment sauf celui de quitter la route
car elle choisit un jour enneigé épouvantable pour aller au cimetière..
va savoir.. un signe du destin.. pour transformer l’Essonne en Hautes-Alpes.
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Elle eut sa vie tranquille..
en donnant l’impression que rien n’avait prise sur elle..
une insouciance qui fut sans doute la raison de sa longévité..
Elle n’avait peur de rien.. ne craignait personne..
Seul le souvenir des emprunts russes lui donnait le frisson
pensant qu’un jour peut être le communiste, couteau entre les dents,
viendrait lui réclamer sa petite maison préfabriquée de Brunoy..
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Mon grand père ayant décidé d’arrêter les choses de la vie,
elle avait continué son train-train serein..
avec sa lecture quotidienne de l’Aurore.. ( sans lunettes)
et son péché qui lui coûtera la vie.. un coup d’apéro et un bon coup de pinard à chaque repas..
Elle se faisait livrer ses courses et repas..
sauf cette addiction inavouable
pour laquelle elle partait seule avec son chariot à provisions et son casier bouteilles..
afin d’aller en secret faire son ravitaillement ..
Elle avait l’habitude de ces virons…
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Elle partait parfois seule pour Toulon.. en avion .. voir son frère
et profitait de son âge et de sa petite taille pour ne pas payer le métro,
arguant qu’elle était trop petite pour accéder à la fente numéraire..
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Un été de canicule.. elle partit au ravitaillement..
mais l’effort fut intense.. et à 94 ans.. elle fit un malaise sur la voie publique..
elle qui n’avait jamais connu le médecin..jamais..
( pas plus que le dentiste).. ambulance.. urgences..
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Elle se retrouva aux bons soins de nos Diafoirus ..
qui lui implantèrent pace maker.. traitement.. médicaments.. régime sec etc..
Terminé l’apéro.. terminé le coup de pinard..
terminé son jardin qu’elle cultivait..
sa cueillette des pêches grimpée sur son escabeau de bois presque aussi vermoulu qu’elle..
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Elle fut placée dans une maison dite de repos
où elle devait défendre sa nourriture à coups de canne
afin de ne pas être spoliée par sa co-turne à moitié foldingo ..
Mon père tenta plusieurs maisons..
mais même si la cohabitation avec les autres était meilleure..
restait l’essentiel.. la liberté..le jardin.. l’air.. le sirop de la rue..
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Ma grand mère ne survécut pas longtemps à cet épisode..
2 ans à peine et un matin de février.. dans sa 96ème année..
elle décida que le jeu ne valait plus la chandelle..
elle alla rejoindre mon grand père..
Eh oui..
Alors quand je lis parfois des textes sur des grand mères gâteau.. protectrices.. complices..
Mes souvenirs de ma grand mère.. sont simples..
je l’ai toujours vue en chignon.. ( sauf une fois)
et le plus souvent la main levée vers moi me menaçant..
tu veux une beigne..!!
Son absence de dents et son nez un peu crochu ( Bourbonien disait elle)..
n’étaient pas non plus des éléments propres à lui donner un air cordial..
Plutôt du genre renfrogné..
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Bah je ne lui en veut pas..
juste pour dire que toutes les grand mères ne sont pas comme celle de Nais Micoulin..
fragiles comme du mimosa..
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Va savoir.. peut être qu’elle m’aimait bien..
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